Dans les couloirs étouffants du ministère des Affaires étrangères à Kinshasa, une foule anxieuse se presse quotidiennement. Parmi eux, Jean* (nom d’emprunt), cadre expatrié, raconte son calvaire : « Depuis trois semaines, je viens ici comme au bureau. Chaque jour apporte son lot d’excuses : panne de connexion, courant coupé, imprimantes en grève… ». Son histoire n’est qu’un écho parmi des centaines d’autres dans cette crise des passeports qui paralyse les projets de vie.
Derrière ces retards administratifs se cachent des enjeux bien plus larges que de simples problèmes techniques. Comment expliquer que la capitale congolaise, siège des institutions nationales, peine à fournir un service essentiel ? Les demandeurs évoquent tour à tour des dysfonctionnements structurels, des soupçons de corruption et un manque criant de volonté politique.
Une machine administrative en panne
Le système biométrique, présenté comme la solution miracle, montre ses limites. « Les agents eux-mêmes avouent leur impuissance », confie un étudiant devant rejoindre l’Europe pour ses études. Entre pannes récurrentes et formation insuffisante du personnel, la technologie devient paradoxalement source de retard.
Cette situation affecte particulièrement l’économie RDC. Des travailleurs miniers du Katanga aux commerçants de Lubumbashi, nombreux sont ceux qui voient leurs opportunités professionnelles s’envoler. « Mon employeur en Zambie menace de me remplacer », lâche un père de famille, les traits tirés par l’attente interminable.
Le poids humain d’une bureaucratie défaillante
Les conséquences vont bien au-delà des simples désagréments administratifs. Des patients privés d’évacuation sanitaire, des étudiants risquant leur année universitaire, des familles séparées par des frontières administratives… Chaque jour de retard creuse un peu plus le fossé entre l’État et ses citoyens.
Qu’en disent les autorités ? Les promesses de résolution « dans les plus brefs délais » se heurtent à la réalité du terrain. Pendant ce temps, certains recourent à des réseaux parallèles, alimentant un marché noir des précieux sésames. Une pratique qui questionne la gouvernance et l’égalité d’accès aux services publics.
Quelle issue pour cette crise ?
La colère monte parmi les demandeurs excédés. « J’ai investi toutes mes économies dans ce passeport », soupire une commerçante de Goma. Les appels à la réforme se multiplient, exigeant transparence dans le traitement des dossiers et modernisation des infrastructures.
Cette crise des passeports révèle une vérité plus profonde : celle d’une administration congolaise à deux vitesses. Alors que certains obtiennent leur document en quelques jours grâce à des « raccourcis », d’autres moisissent dans l’attente. Une injustice qui mine la confiance dans les institutions et entrave le développement du pays.
À l’heure où la RDC cherche à s’affirmer sur la scène internationale, cette situation pose une question cruciale : comment prétendre au statut de nation émergente quand on ne parvient pas à fournir à ses citoyens un document de base ? La réponse à ce défi administratif pourrait bien déterminer l’avenir de toute une génération.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net