Dans un contexte marqué par des tensions persistantes dans l’Est de la République Démocratique du Congo, la signature d’une déclaration conjointe entre le gouvernement congolais et la rébellion de l’AFC/M23, sous l’égide du Qatar, suscite autant d’espoirs que de scepticisme. Ce geste diplomatique, intervenu après plus de trois années de conflit et plusieurs semaines de négociations à Doha, pourrait-il réellement ouvrir la voie à une paix durable ? La société civile Forces vives de la RDC, dans un communiqué cinglant, exprime des réserves qui résonnent comme un avertissement.
Jean-Bosco Lalo, premier vice-président national de cette structure, déplore avec une ironie mordante ce qu’il qualifie de « réveil tardif des consciences ». « Fallait-il vraiment attendre l’occupation de Goma, les pertes humaines et la destruction des infrastructures pour admettre l’évidence d’un dialogue direct ? » interroge-t-il, soulignant au passage l’absurdité d’une gestion de crise réactive plutôt que préventive. Cette critique en filigrane viserait-elle certains cercles du pouvoir accusés d’avoir sous-estimé la menace ?
Le document signé mercredi 23 avril engage les parties à « favoriser un cessez-le-feu effectif » et à œuvrer pour un « dialogue constructif ». Des formulations volontairement élastiques qui contrastent avec les attentes précises des populations de l’Est. « La déclaration reste un vœu pieux tant qu’elle ne s’attaque pas aux racines du mal : l’impunité des acteurs de cette crise et le non-respect de l’ordre constitutionnel », argue M. Lalo. Un discours qui met en lumière le fossé entre les réalités du terrain et les exercices de style diplomatique.
L’initiative qatarie, bien que saluée par certains partenaires internationaux, montre rapidement ses limites. Trois semaines de pourparlers n’ont abouti qu’à un engagement minimaliste, évacuant soigneusement les questions épineuses : le statut des combattants, le retrait des troupes étrangères présumées, ou encore la réforme des mécanismes de sécurité régionale. La médiation aurait-elle choisi la façade au détriment du fond ?
Plus troublant encore, l’absence criante de représentants de la société civile et de l’opposition non armée à ces discussions. « Comment prétendre résoudre une crise multidimensionnelle en excluant des voix essentielles à sa compréhension ? », s’indigne le porte-parole des Forces vives. Cette exclusion pose une question fondamentale sur la représentativité réelle des négociations en cours. Le processus de Doha ne risquerait-il pas de reproduire les erreurs des accords passés, souvent critiqués pour leur manque d’inclusivité ?
Sur le plan politique, ce dossier devient un test crucial pour le pouvoir en place. Le gouvernement congolais joue ici une partie complexe : montrer des avancées sans céder sur la souveraineté nationale, apaiser les partenaires internationaux tout en répondant aux attentes d’une population épuisée par les conflits. La moindre ambiguïté dans la mise en œuvre des engagements pourrait raviver les tensions et offrir de nouveaux arguments aux détracteurs du régime.
Les prochaines semaines s’annoncent déterminantes. La crédibilité de cette déclaration se mesurera à l’aune de sa traduction concrète : un calendrier opérationnel pour le cessez-le-feu, l’ouverture de corridors humanitaires, et surtout l’instauration d’un cadre de dialogue élargi. Sans ces mesures, Kinshasa risquerait de voir s’effriter le fragile consensus autour de sa stratégie de pacification. Entre urgence sécuritaire et exigence démocratique, la RDC devra trouver un équilibre aussi périlleux que nécessaire.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net