La République Démocratique du Congo vient d’ajouter un chapitre explosif à sa saga politique. Par une circulaire officielle datée de ce mercredi, le vice-premier ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a ordonné aux gouverneurs provinciaux la suspension immédiate des activités du PPRD, parti-épine dans le pied du pouvoir actuel. Une décision justifiée par des « impératifs de sécurité nationale » qui intervient dans un contexte sécuritaire délétère, particulièrement dans le Nord-Kivu où les combats entre FARDC et rebelles du M23 ensanglantent quotidiennement les populations civiles.
Le ministre de l’Intérieur avance un argumentaire lourd : le silence assourdissant du parti de Joseph Kabila face à « l’agression rwandaise déguisée » constituerait une menace pour l’intégrité territoriale. « Quand certains choisissent le mutis face au viol de notre souveraineté, l’État se doit de réagir », peut-on lire dans la correspondance adressée aux exécutifs provinciaux. Une rhétorique qui fait écho aux récentes déclarations du ministre de la Justice Constant Mutamba, engagé dans une procédure judiciaire visant à saisir les biens de l’ancien président et de ses proches.
Cette double offensive administrative et judiciaire dessine les contours d’une stratégie à haut risque. Le pouvoir de Kinshasa joue-t-il sa crédibilité sur un échiquier miné par les calculs partisans ? Les réformes institutionnelles annoncées pour les prochains mois nécessiteraient plutôt un consensus national, alors que le pays s’enfonce dans une polarisation dangereuse. « C’est une déclaration de guerre à la démocratie », tonne un cadre du PPRD joint par nos soins, dénonçant une « chasse aux sorcières » destinée à museler toute voix discordante.
L’Est du pays, théâtre de violences récurrentes, sert de toile de fond à cette escalade. Les récentes attaques attribuées au M23 – dont les liens avec Kigali font l’objet d’un consensus international – offrent au gouvernement un argument-massue. Mais jusqu’où peut-on instrumentaliser l’urgence sécuritaire pour régler des comptes politiques ? La question agite les cercles diplomatiques et la société civile, partagés entre la nécessité de lutter contre l’ingérence étrangère et la crainte d’un autoritarisme décomplexé.
Les prochaines semaines s’annoncent cruciales. Le ministre Shabani, actuellement en itinérance à Goma, devra concilier fermeté politique et préservation des équilibres institutionnels. Quant au PPRD, sa capacité à mobiliser ses bases malgré le gel de ses activités pourrait déterminer l’issue de ce bras de fer. Une chose est sûre : à Kinshasa comme dans les provinces, les acteurs politiques ont entamé une danse sur volcan, où chaque pas de côté risque de réveiller les vieux démons de la crise post-électorale.
Dans ce climat de défiance généralisée, la communauté internationale observe avec inquiétude les soubresauts de la politique congolaise. Les capitales occidentales, traditionnellement sourdes aux querelles internes du pays, commencent à s’interroger : jusqu’à quel point la stabilité de la région des Grands Lacs peut-elle être hypothéquée par des rivalités personnelles ? La réponse se jouera peut-être dans les prétoires, où les juges devront trancher entre raison d’État et respect des droits fondamentaux.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: linterview.cd