Kinshasa, ce mercredi 23 avril 2025 – Dans un geste chargé de symbolisme politique, la Première ministre Judith Suminwa Tuluka a choisi la Nonciature apostolique comme théâtre d’un hommage au défunt pape François. Une démarche qui, au-delà du deuil protocolaire, interroge subtilement les équilibres géopolitiques et les calculs de légitimité dans un contexte congolais toujours marqué par les conflits miniers.
« Le Saint-Père était un homme de foi, un bâtisseur de paix », a déclaré la cheffe du gouvernement devant les caméras, rappelant avec insistance les prises de position vaticanes contre « l’exploitation illégale de nos ressources ». Par cette référence appuyée, Suminwa semble vouloir réactiver un leitmotiv gouvernemental : la lutte contre ce qu’elle nomme « la guerre des minerais ». Stratégie habile ou aveu d’impuissance ? La question plane alors que les groupes armés continuent de sévir dans l’Est du pays.
L’hommage rendu au pontife argentin, décédé à 88 ans des suites d’une pneumonie bilatérale, dépasse largement le cadre religieux. En soulignant son « héritage indélébile » pour la RDC, le gouvernement congolais tisse subtilement un parallèle entre la stature morale du défunt pape et ses propres ambitions diplomatiques. Un alignement symbolique qui pourrait servir de préambule à de futures initiatives sur la scène internationale, notamment concernant la certification des minerais.
Rappelons que le pape François avait marqué les esprits congolais lors de sa visite historique de 2023, qualifiant l’exploitation illicite des ressources naturelles de « crime contre l’humanité ». Un discours qui avait alors offert au gouvernement de Kinshasa une caution morale inespérée dans son combat pour le contrôle des zones minières. La Première ministre, en reprenant aujourd’hui ces thématiques, semble vouloir réactiver ce capital politique à un moment où les critiques fusent sur la lenteur des réformes dans le secteur minier.
Mais derrière les louanges unanimes, certains observateurs politiques relèvent une ironie de l’histoire : le décès du souverain pontife survient alors que le gouvernement congolais peine à concrétiser les recommandations du rapport d’experts commandé par le Vatican lui-même en 2024. « La meilleure façon d’honorer sa mémoire serait de publier enfin la liste des entreprises impliquées dans le trafic de coltan », lance sous couvert d’anonymat un diplomate européen en poste à Kinshasa.
Sur le plan intérieur, cet hommage intervient dans un contexte politique sensible. En se positionnant comme héritière spirituelle du message papal, Suminwa tente probablement de consolider sa base morale face à une opposition de plus en plus véhémente. Reste à savoir si cette stratégie de légitimation par procuration suffira à contrer les accusations de laxisme dans la gestion du dossier sécuritaire à l’Est.
La disparition du premier pape latino-américain ouvre par ailleurs une période d’incertitude pour la diplomatie vaticane en Afrique. Alors que le conclave se prépare à Rome, Kinshasa surveillera avec attention les positions du futur pontife sur les dossiers congolais. Car comme le souligne un analyste politique local : « Dans ce pays où Église et État marchent main dans la main depuis Mobutu, le choix du prochain pape pourrait influer sur l’équilibre des pouvoirs ».
Entre deuil national et calculs stratégiques, cet épisode révèle une fois de plus la complexité de la politique RDC, où le spirituel et le temporel s’entremêlent avec une intensité déconcertante. Alors que les actualités économiques RDC continuent de faire état de tensions dans le secteur minier, le gouvernement semble miser sur la mémoire du pape défunt pour redorer son image internationale. Un pari risqué, mais peut-être nécessaire à l’heure où les nouvelles congolaises peinent à sortir du registre conflictuel.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: primature.grouv.cd