Dans les rues de Kinshasa, le chaos routier est devenu le quotidien de millions de Kinois. « Je passe plus de temps dans les transports qu’à étudier », lâche Jean*, étudiant à l’Université de Kinshasa, les yeux cernés par l’épuisement. Comme lui, des milliers de citoyens des quatre districts de la capitale – Tshangu, Funa, Mont-Amba et Lukunga – subissent une crise de mobilité sans précédent. Entre routes dégradées, chantiers interminables et croissance démographique explosive, Kinshasa étouffe. Mais derrière ces embouteillages monstres se cachent des enjeux bien plus profonds.
Kinshasa, une ville en sursis ?
Avec plus de 15 millions d’habitants selon les dernières estimations, la mégapole croule sous le poids d’infrastructures routières héritées d’une autre époque. « La voirie n’a pas suivi l’explosion urbaine », analyse un expert en urbanisme contacté par Congo Quotidien. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : seulement 9% des routes de la RDC sont asphaltées selon la Banque mondiale. Comment une capitale censée incarner le dynamisme économique de l’Afrique centrale peut-elle fonctionner dans de telles conditions ?
Les points chauds de l’enfer kinois
Certains axes cristallisent l’exaspération populaire :
- Le cauchemar du Boulevard Triomphal vers Sendwe
- Le supplice quotidien du Pont Cabus à Limete
- L’étau de Kintambo Magasin, où circuler relève du parcours du combattant
Sans oublier l’Avenue des Écuries ou le tronçon Debonhomme-Pascal du Boulevard Lumumba, véritables pièges à conducteurs. « Dépasser Kintambo ? C’est comme gagner à la loterie », ironise un chauffeur de taxi, tandis qu’une mère de famille évoque des « heures perdues qui grignotent la vie de famille ».
Un frein économique et social
Les conséquences dépassent largement la simple nuisance. Pour les étudiants, ces retards chroniques hypothèquent leur réussite académique. « Comment se concentrer sur un examen après trois heures de transport ? », interroge une étudiante en droit à Mont-Amba. Dans le secteur privé comme public, les employeurs déplorent une chute de productivité. Un paradoxe dans une ville qui ambitionne de devenir le moteur économique de la région.
Pire : cette paralysie routière aggrave les inégalités sociales. Ceux qui peuvent se payer des mototaxis ou des itinéraires bis échappent partiellement au calvaire. Les autres ? Condamnés à subir. « Les embouteillais creusent le fossé entre nantis et démunis », dénonce un sociologue kinois.
Urgence d’une réponse politique
Face à ce défi multiforme, les solutions peinent à émerger. Si des travaux de réhabilitation sont en cours sur certains axes, leur impact reste limité. Les experts plaident pour une approche globale combinant :
- Un plan d’urgence de réparation des voiries stratégiques
- Le développement massif des transports en commun
- Une politique urbaine anticipant la croissance démographique
Mais le temps presse. Alors que la population de Kinshasa devrait doubler d’ici 2050 selon les projections, la question routière devient existentielle. « Sans mobilité, pas d’économie viable », martèle un économiste, soulignant l’impact sur les investissements étrangers.
Entre colère populaire et enjeux de développement, Kinshasa se trouve à un carrefour critique. Les embouteillais ne sont plus seulement un problème de circulation – ils symbolisent les défis d’une métropole africaine en quête d’un modèle de croissance durable. La réponse des autorités sera-t-elle à la hauteur ? Pour des millions de Kinois, l’avenir de leur ville se joue aujourd’hui dans l’asphalte fissuré de ses artères congestionnées.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
