Dans l’obscurité des camps de réfugiés congolais au Burundi, une femme serre contre elle son nouveau-né, enveloppé dans un pagne usé. « Je n’ai même pas de lait à lui donner », murmure-t-elle, les yeux rivés sur le sol poussiéreux. Ce témoignage glaçant, rapporté par le Dr Léon Kabamba Ngombe, résume l’urgence vitale qui a poussé une délégation de députés médecins à sonner l’alarme ce 22 avril 2025.
Ces élus, de retour d’une mission-choc dans les camps, ont peint un tableau apocalyptique devant la Première Ministre Judith Suminwa Tuluka. Paludisme, choléra, accouchements sans assistance médicale : comment en est-on arrivé à cette déshumanisation des Congolais fuyant les violences dans l’Est de la RDC ? La réponse se niche dans l’escalade des combats entre FARDC et les rebelles du M23, soutenus par Kigali selon les rapports onusiens.
Le Dr Kabamba ne mâche pas ses mots : « Les enfants présentent des retards de croissance visibles. Les femmes enceintes marchent des heures pour un comprimé de paracétamol. » Derrière ces mots, une réalité chiffrée : 72% des réfugiés souffriraient de malnutrition aiguë selon les estimations parlementaires.
Face à ce cri d’alarme, la réaction du gouvernement Suminwa a surpris par sa célérité. Alors que les députés s’apprêtaient à réclamer une intervention d’urgence, la cheffe du gouvernement a révélé avoir déjà dépêché une équipe sur le terrain. Une course contre la montre pour endiguer ce qui pourrait devenir la pire crise humanitaire de la région des Grands Lacs.
Mais cette rapidité suffira-t-elle ? Les besoins dépassent l’entendement : structures sanitaires de fortune, pénurie de médicaments essentiels, risques d’explosion épidémique. « Chaque minute compte », insiste un travailleur humanitaire sous couvert d’anonymat. La proximité des camps avec les zones de conflit au Nord-Kivu complique davantage les opérations d’assistance.
Cette crise met en lumière un paradoxe congolais : comment un pays riche en ressources minières peut-il voir ses citoyens survivre dans de telles conditions à l’étranger ? La question hante les discussions à Kinshasa, où certains députés réclament un audit des mécanismes d’aide aux déplacés.
L’enjeu dépasse le simple secours d’urgence. Ces camps deviennent malgré eux le miroir des fractures régionales. Le Burundi, déjà fragilisé par ses propres défis politiques, voit affluer des milliers de Congolais chaque semaine. Une pression insoutenable pour les infrastructures locales, créant un terrain fertile aux tensions intercommunautaires.
La réponse de la Première Ministre ouvre cependant une lueur d’espoir. En intégrant des psychologues dans l’équipe envoyée sur place, le gouvernement reconnaît l’importance du traumatisme invisible. Une innovation dans la gestion des crises humanitaires en Afrique centrale, où le soutien mental reste souvent relégué au second plan.
Mais le véritable test réside dans la durabilité de cette mobilisation. Les organisations locales, comme le Réseau des Acteurs Humanitaires du Kivu, rappellent que 68% des fonds alloués aux réfugiés congolais en 2024 n’ont jamais atteint leur destination finale. La transparence dans la gestion des aides sera donc le prochain champ de bataille pour le gouvernement Suminwa.
Cette crise interroge fondamentalement notre capacité à protéger les plus vulnérables. Alors que les projecteurs médiatiques se braquent sur les capitales politiques, des milliers de vies se jouent dans l’ombre des camps. La rapidité de la réaction gouvernementale marque un précédent, mais l’histoire retiendra surtout sa capacité à transformer l’urgence en solutions pérennes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: primature.grouv.cd
