Dans un contexte où la crédibilité des processus électoraux en République Démocratique du Congo (RDC) reste un enjeu majeur, le récent rapport de l’Institut Ebuteli jette une lumière crue sur des dérives systémiques. Intitulé « Corruption électorale sans frontière », cette étude approfondie dévoile comment les élections de 2023 ont battu des records inquiétants en matière de malversations, éclipsant même les scrutins controversés de 2011 et 2018.
« Le phénomène a atteint une dimension transnationale interne, contaminant tous les échelons du pouvoir », analyse le document qui pointe du doigt une « crise de légitimité à tous les niveaux de gouvernance ».
L’analyse comparative avec les élections de 2006 – pourtant considérées comme référence – révèle une escalade alarmante. Si des irrégularités existaient déjà, elles n’avaient jamais influencé les résultats finaux de manière aussi flagrante. Le rapport souligne notamment l’ingérence politique dans les nominations clés au sein de la Ceni, devenue un champ de bataille pour les partis de l’Union sacrée.
Une mécanique corruptrice multiniveaux
Au niveau provincial, les témoignages recueillis font froid dans le dos. À Bukavu, un ancien agent temporaire décrit comment un candidat député basé à Kinshasa a imposé sa liste d’agents électoraux. Leur mission ? Manipuler le vote dans les zones reculées où l’usage contesté des machines électroniques facilitait la fraude.
« Certains candidats ont transformé leur domicile en centre logistique électoral, détournant des Dispositifs Électroniques de Vote (DEV) pour gonfler artificiellement leurs scores », dénonce le rapport.
Plus troublant encore : la privatisation des machines à voter. Un parti politique aurait déboursé 20 000 USD pour s’en procurer illégalement, tandis que d’autres utilisaient leurs véhicules personnels pour contrôler le transport du matériel sensible.
Des failles techniques exploitées
L’abandon de l’encre indélébile – mesure supposée renforcer la transparence – s’est retourné contre ses concepteurs. Dans plusieurs bureaux de vote, des agents complices auraient sciemment négligé son application, permettant des votes multiples. Une faille exploitée par des réseaux organisés qui n’hésitaient pas à recruter des kuluna (jeunes délinquants) pour intimider électeurs et observateurs.
Face à ce constat accablant, Ebuteli formule des propositions chocs :
- Poursuites judiciaires contre les responsables identifiés
- Révision complète de la loi électorale
- Recrutement des agents Ceni par concours indépendants
- Remplacement de l’encre par un système biométrique
Ces recommandations interrogent : les autorités congolaises auront-elles le courage de réformer en profondeur un système gangrené ? La communauté internationale, souvent critiquée pour son silence complice, jouera-t-elle enfin un rôle moteur dans ce combat pour l’intégrité démocratique ?
Alors que la RDC s’apprête à entamer un nouveau cycle électoral, ce rapport sonne comme un ultime avertissement. Sans mesures radicales, le pays risque de voir s’effriter davantage la confiance des citoyens dans les urnes – pilier essentiel de toute démocratie naissante.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd