Dans un coin du stade Tata Raphaël, une marmite fumante trône sur un feu de fortune. Marie, mère de cinq enfants, essuie la sueur de son front. « Mieux ici qu’à l’école, mais dormir sur du béton… », murmure-t-elle, les yeux rivés sur les tentes blanches alignées comme des soldats épuisés. Comme des centaines d’autres familles kinoises, elle a été transférée après les inondations meurtrières qui ont balayé Kinshasa. Un déplacement organisé dans l’urgence, mais qui soulève déjà des questions cruciales sur la gestion des crises humanitaires en RDC.
Un refuge sous tension
Près de 4 000 personnes s’entassent désormais sur le terrain municipal de Bandalungwa et au stade Tata Raphaël. Des latrines provisoires, des points d’eau chlorée, des dispensaires mobiles : le ministre provincial de la Santé, Patricien Gongo, a supervisé mardi l’installation des premiers services de base. « La priorité, c’est d’éviter les épidémies », a-t-il déclaré aux équipes de Congo Quotidien, évoquant des risques sanitaires liés à la promiscuité.
Pourtant, sur place, les besoins dépassent les moyens. « On nous a donné du riz et de l’huile, mais comment cuisiner sans bois ? », interroge Lucie, 34 ans, devant son abri de bâches. Une colère sourde monte parmi les déplacés, malgré les efforts affichés par les autorités.
La réforme controversée de l’aide
Face aux critiques sur la gestion précédente, un changement majeur a été opéré : les chefs de quartier prennent désormais en charge la distribution des vivres. « Cela permet de cibler les vraies priorités », défend un agent communal à Kisenso. Mais certains sinistrés dénoncent déjà des passe-droits. « Celui qui protège reçoit, celui qui se tait attend », lance Amédée, la voix tremblante de rage.
Cette nouvelle stratégie soulève un débat plus large : la décentralisation de l’aide humanitaire peut-elle vraiment fonctionner dans un contexte de corruption endémique ? Les récentes enquêtes sur la détournement de fonds publics dans la gestion des catastrophes naturelles en RDC donnent peu d’espoir.
Kinshasa, ville-monde en sursis
Derrière ce drame individuel, se profile un enjeu structurel. La capitale congolaise, frappée par des inondations récurrentes, reste une bombe à retardement urbanistique. L’occupation anarchique des bassins versants, l’absence de drainage efficace… Les causes techniques sont connues. Mais les solutions ?
En confiant la gestion de crise aux entités locales, le gouvernement provincial joue un pari risqué. S’agit-il d’une véritable délégation ou d’un désengagement de l’État ? La question hante les observateurs de la politique RDC, alors que les défis climatiques s’intensifient.
Ce soir, sous les projecteurs éteints du stade Tata Raphaël, des milliers de Kinois cherchent le sommeil. Leurs rêves peuplent peut-être ces logements sociaux promis depuis des décennies. En attendant, les eaux de pluie continuent de menacer une ville où chaque saison des pluies ressemble à une sentence.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net