Les pourparlers de Doha entre le gouvernement congolais et la rébellion du M23 ont tourné à l’impasse, révélant une fois de plus les fractures géopolitiques qui minent l’Est de la République Démocratique du Congo. Alors que Kinshasa tentait de présenter ces discussions comme une avancée symbolique, le retrait abrupt de la délégation rebelle mardi dernier illustre un dialogue de sourds, où chaque camp campe sur des positions antagonistes. Comment un processus censé apaiser les tensions a-t-il pu exacerber les méfiances réciproques ?
Selon des sources proches du dossier, le nœud du conflit réside dans l’interprétation divergente des causes profondes de la crise. Le gouvernement congolais, arc-bouté sur la thèse d’une agression externe soutenue par Kigali, exigeait que le communiqué final acte cette lecture – une exigence inacceptable pour le M23, qui revendique une lutte « purement interne » contre « l’exclusion politique et économique ». Une contradiction qui renvoie dos à dos les narratifs de Kinshasa et de la rébellion, chacun instrumentalisant l’histoire immédiate à des fins tactiques.
L’insistance des négociateurs gouvernementaux à lier les discussions au sommet Tshisekedi-Kagame a achevé de cristalliser les tensions. « En voulant à tout prix internationaliser le différend, Kinshasa a sous-estimé l’entêtement du M23 à se présenter comme un mouvement autochtone », analyse un diplomate sous couvert d’anonymat. Une stratégie à double tranchant : si elle permet de maintenir la pression sur le Rwanda, elle offre aussi à la rébellion une tribune pour délégitimer l’approche sécuritaire du pouvoir central.
Sur le terrain militaire, les revendications contradictoires concernant le retrait des FARDC de Walikale témoignent d’une surenchère périlleuse. Alors que le M23 y voit un gage de confiance, les autorités congolaises dénoncent une tentative de « sanctuarisation » de zones clés. Un bras de fer où la population civile, prise en étau, paie le prix fort de ces calculs stratégiques. Les récentes actualités régionales RDC révèlent d’ailleurs une recrudescence des déplacements forcés dans la région.
La demande paradoxale du gouvernement concernant le désarmement des milices ajoute une couche de complexité. Comment comprendre que Kinshasa exige du M23 qu’il « encourage les groupes armés à déposer les armes », alors que certaines de ces milices opèrent en coordination avec les FARDC ? Une contradiction qui nourrit les accusations de « double jeu » de la part des rebelles, fragilisant davantage la crédibilité des institutions congolaises.
Les conditions posées par le M23 pour une reprise des négociations ressemblent à une mise en demeure déguisée. En exigeant des interlocuteurs « habilités à décider », la rébellion pointe l’absence de réelle volonté politique au sommet de l’État. Une stratégie habile qui permet au mouvement armé de se présenter en partie responsable face à un gouvernement accusé de tergiversations. Les prochaines actualités politiques RDC dépendront largement de la capacité de Kinshasa à reprendre l’initiative diplomatique.
Ce revers des négociations intervient dans un contexte international tendu, où les partenaires traditionnels de la RDC observent avec inquiétude l’enlisement de la crise. La médiation qatarie, présentée comme un succès d’influence africaine, révèle ses limites face aux réalités du terrain congolais. Les analyses politiques RDC s’accordent sur un point : chaque échec de dialogue renforce les options militaires au détriment des civils, dans une région où les conflits armés font loi depuis trois décennies.
Alors que Goma devient de facto le centre névralgique de cette nouvelle phase de tensions, les enjeux dépassent largement le cadre strictement sécuritaire. La question sous-jacente reste celle de la gouvernance dans l’Est du pays : jusqu’à quand les solutions militaires primeront-elles sur une réforme structurelle des institutions locales ? Le prochain chapitre de cette crise chronique dépendra de la capacité des acteurs à transformer les rivalités de pouvoir en véritable projet de société.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net