Kinshasa, épicentre des enjeux stratégiques de la RDC, a abrité ce mardi 22 avril une réunion cruciale du comité de pilotage du Cadre de coopération pour le développement durable. Sous le regard attentif des partenaires internationaux, les acteurs nationaux ont tenté d’esquisser les contours d’une feuille de route 2025-2029, entre ambitions affichées et défis structurels persistants. Un exercice d’équilibriste où la rhétorique politique se heurte aux réalités du terrain.
Au cœur des débats : l’alignement des objectifs de développement durable (ODD) sur les priorités nationales. Le vice-Premier ministre chargé du Plan a ouvert les hostilités en rappelant le « caractère impératif » d’une coordination multisectorielle. Mais derrière les déclarations de bonnes intentions, les obstacles s’amoncellent. Bruno Lemarquis, coordonnateur du système des Nations unies, a jeté un pavé dans la mare en pointant les « tropismes de l’Est » – cette concentration déséquilibrée des interventions internationales qui laisse des régions entières en déshérence.
La question du financement des projets ODD plane comme une épée de Damoclès. Comment concilier le désengagement progressif de la MONUSCO avec les impératifs de sécurité dans les Kivu ? Les autorités de facto au Nord et Sud-Kivu constituent-elles un frein ou un levier pour la mise en œuvre des programmes de développement ? Autant de questions rhétoriques qui trouvent peu de réponses dans les déclarations officielles.
Daniel Epembe, secrétaire général au Plan, a cru bon de rappeler la nécessité d’une « bonne volonté politique ». Une formule incantatoire qui sonne creux face à l’urgence des défis. Jean Paul Wita, représentant du Développement rural, a quant à lui martelé la nécessité d’investir dans les routes de desserte agricole. « Le gouvernement doit s’assumer », a-t-il lancé, critique voilée à l’égard des lenteurs administratives.
La société civile, invitée en figurante à ce ballet institutionnel, a rappelé l’urgence d’une politique d’intégration des déplacés internes. Un dossier explosif qui met en lumière les failles du PDDRC-S, ce programme de désarmement dont les résultats tardent à convaincre. Les participants ont-ils mesuré l’ampleur du chantier ? Rien n’est moins sûr, alors que les mécanismes de suivi restent flous.
Cette rencontre révèle une contradiction majeure de la politique RDC en matière de développement : la surenchère déclarative contre le déficit chronique de mise en œuvre. Les « axes stratégiques » évoqués ressemblent à s’y méprendre aux résolutions des précédents comités. Entre la décentralisation inaboutie et la justice transitionnelle en panne, le gouvernement joue-t-il vraiment son va-tout ?
L’enjeu dépasse la simple coordination technique. Il touche à la crédibilité même des institutions congolaises face aux bailleurs internationaux. Le prochain test ? La concrétisation d’ici 2024 des premiers projets pilipes, notamment dans le secteur agricole. Mais dans un contexte de restriction budgétaire et de tensions géopolitiques, la marge de manœuvre se réduit comme peau de chagrin.
Kinshasa parviendra-t-elle à transformer l’essai ? Les prochains mois seront décisifs pour éviter que le Cadre de coopération ne rejoigne le cimetière des bonnes intentions, aux côtés des multiples stratégies nationales jamais abouties. L’équation est connue : sans réforme structurelle de la gouvernance et sans implication réelle des provinces, les ODD resteront un mirage. Un avertissement que semblent avoir entendu – mais pas encore digéré – les architectes de ce nouveau plan.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
