Dans une région où les sentiers boueux tenaient lieu de routes, une lueur d’espoir se dessine. L’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) vient d’inaugurer 68 kilomètres de routes réhabilitées dans la zone tampon du parc national de la Lomami, au Maniema. Un projet à plus d’un million de dollars qui transforme des pistes impraticables en artères vitales pour des milliers de Congolais. Mais derrière ces chiffres se cache une question cruciale : ces routes suffiront-elles à désenclaver une région longtemps oubliée ?
Le chantier, réparti sur trois axes stratégiques – Dingi-Bafundo (56 km), Dingi-Tshombekilima (6 km) et Dingi-Lukando (6 km) –, ressuscite littéralement le tissu économique local. « Avant, nos récoltes pourrissaient sur place », confie un habitant de Lukando. Aujourd’hui, les camions peuvent enfin atteindre ces villages reculés, drainant avec eux un flux nouveau de marchandises et d’opportunités.
Radar Nishuli, directeur provincial de l’ICCN, dessine un avenir prometteur : « Les producteurs de riz paddy vont désormais écouler leurs surplus jusqu’à Lokando. Les décortiqueuses fournies par nos soins vont booster la valeur ajoutée locale. » Une révolution pour ces communautés agricoles dont la survie dépendait jusqu’alors de pénibles portages à dos d’homme.
Pourtant, l’ombre de la durabilité plane sur ce succès. Le gouverneur Mussa Kabwankubi lance un avertissement solennel : « Sans entretien régulier, ces routes redeviendront des cicatrices dans le paysage. » Un comité local de maintenance a été institué, mais les défis restent immenses : érosion des sols, pluies diluviennes, moyens techniques limités…
Cette initiative interroge aussi l’équilibre délicat entre développement et conservation. La Lomami, sanctuaire de biodiversité abritant des espèces endémiques, verra-t-elle sa zone tampon résister à l’afflux d’activités humaines ? L’ICCN assure avoir intégré des mesures de mitigation environnementale, mais certains observateurs s’inquiètent déjà des risques de braconnage accru.
Sur le plan politique, ce projet illustre les nouvelles priorités de la RDC en matière d’infrastructures. Alors que Kinshasa mise sur les mégaprojets nationaux, ces 68 km démontrent l’impact décisif des investissements locaux ciblés. Une leçon à méditer alors que les actualités économiques RDC focalisent souvent sur les ressources minières au détriment du développement rural.
Pour les habitants de Bafundo ou Tshombekilima, le changement est déjà palpable. « Hier encore, aller au marché prenait une journée entière de marche. Demain, ce sera l’affaire de quelques heures en véhicule », s’enthousiasme une cultivatrice. Reste à savoir si cette mobilité retrouvée profitera équitablement à tous, ou si elle creusera les inégalités entre villages connectés et isolés.
La balle est désormais dans le camp des autorités provinciales. Le tronçon Dingi-Kindu, réclamé à cor et à cri par la population, deviendra-t-il la prochaine étape de cette renaissance infrastructurelle ? Dans une province où seulement 3% du réseau routier est asphalté, chaque kilomètre gagné compte doublement.
Cette réalisation pose enfin une question fondamentale : et si la vraie conservation de la nature passait par l’amélioration des conditions de vie des riverains ? En offrant des alternatives économiques durables, l’ICCN tente de réduire la pression sur les ressources du parc. Un pari audacieux qui pourrait réécrire les règles de la protection environnementale en RDC.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net
