Dans le quartier populaire de Kasa-Vubu, à Kinshasa, Marie, mère de cinq enfants, interroge : « Comment l’État peut-il savoir nos besoins s’il ignore jusqu’à notre existence ? ». Cette question résonne comme un écho aux enjeux du deuxième Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGP2) lancé ce jeudi 17 avril 2025. Un événement historique pour la République Démocratique du Congo, qui n’avait plus réalisé de recensement scientifique depuis 1984.
Sur le terrain Assossa, la Première Ministre Judith Suminwa a souligné d’une voix empreinte d’émotion : « Plus de 40 ans de tâtonnements, c’est assez ! ». Sous les regards attentifs des chefs de quartier et des partenaires internationaux, elle a décrit cette cartographie pilote comme « la boussole qui guidera notre développement ». Trois zones tests sont concernées : Kinshasa, Bulungu au Kwilu et Tshikapa au Kasaï.
Un outil contre l’ombre statistique
Comment planifier des écoles, des hôpitaux ou des routes sans données précises ? Le gouvernement compte sur ce recensement numérique – une première – pour combler ce vide. « Les résultats nous permettront de cibler chaque rue, chaque famille », explique un technicien de l’Institut National de la Statistique, tablette en main.
Dans son discours, la cheffe du gouvernement n’a pas occulté les défis : « Même avec l’Est du pays partiellement occupé, nous avançons ». Une référence directe au conflit avec le M23 soutenu par le Rwanda, qui complique l’accès à certaines régions.
Entre espoirs et scepticismes
« Enfin ! », s’exclute Dieudonné, enseignant à Limete. « Mais vont-ils vraiment compter tout le monde ? ». Cette ambivalence traverse les discussions dans les ngandas (buvettes) de la capitale. Les souvenirs du recensement de 1984, marqué par des omissions massives, alimentent les craintes.
Le Programme d’Actions Gouvernemental (PAG) mise pourtant sur ces données. « Sans elles, comment répartir équitablement les richesses minières ? », interroge un économiste congolais. La question démographique devient cruciale pour l’émergence économique du pays.
Une course contre la montre
Le calendrier serré montre l’urgence : cartographie jusqu’en juin, déploiement national en juillet, dénombrement en 2026. Un défi technologique et logistique dans un pays grand comme l’Europe de l’Ouest. « La digitalisation nous évitera les erreurs passées », promet un responsable du projet.
Reste à convaincre les populations. « Beaucoup craignent que ce comptage ne serve à augmenter les impôts », confie une assistante sociale à Matonge. Un défi de communication qui pourrait déterminer le succès de cette opération cruciale pour l’avenir de la RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: primature.grouv.cd