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Mort du pape François : l’hommage calculé de Tshisekedi entre héritage spirituel et réalpolitik congolaise

Dans un communiqué officiel rendu public ce lundi 21 avril 2025, le président Félix-Antoine Tshisekedi a orchestré une mise en scène protocolaire aussi solennelle que prévisible pour saluer la mémoire du pape François. Un exercice de condoléances calibré, où l’hommage spirituel se mêle habilement à un sous-texte géopolitique. Le chef de l’État congolais, dans un lyrisme mesuré, a vanté une vie « empreinte de concorde et de solidarité », sans omettre de rappeler la visite historique de 2023 à Kinshasa. Mais derrière les fleurs rhétoriques, ne discerne-t-on pas une tentative de récupération symbolique ?

Le communiqué présidentiel, truffé de références aux « valeurs évangéliques » et à la « souveraineté », semble tisser un parallèle discret entre le message du défunt pontife et les priorités affichées du régime. Quand Tshisekedi évoque le cri « Retirez vos mains de la RDC », prononcé par le pape devant des milliers de Congolais en liesse, n’invite-t-il pas subtilement à relire son propre combat contre l’exploitation des ressources nationales ? La frontière entre hommage posthume et instrumentalisation politique apparaît parfois ténue.

Rappelons que la visite apostolique de 2023 avait offert au pouvoir congolais une tribune internationale inespérée. Le pape, en dénonçant avec virulence « l’économie qui tue » et les « convoitises étrangères », avait alors indirectement légitimé les discours souverainistes de Kinshasa. Un héritage que Tshisekedi s’empresse aujourd’hui de sanctifier, à l’heure où les tensions autour de l’Est du pays requièrent une consolidation du front patriotique.

« Ses prières pour la paix résonnent comme un programme inachevé », a souligné le président, dans une formule où percent autant la piété que l’aveu d’impuissance face aux défis sécuritaires. Une manière d’appeler à la persévérance collective, tout en déplaçant vers le spirituel une part des attentes populaires. Le culte rendu au pape défunt ne masque-t-il pas, in fine, les limites temporelles d’un pouvoir confronté à la gestion des conflits et aux promesses de développement ?

Sur le plan diplomatique, cet hommage panafricain – le texte mentionne explicitement l’« Afrique » – s’inscrit dans la stratégie d’influence régionale de la RDC. En se posant en héraut du message franciscain, Tshisekedi renforce son image de leader soucieux d’équilibres éthiques, à mille lieues des réalpolitiks brutales de certains voisins. Une posture qui pourrait servir ses ambitions au sein de l’Union africaine, où la gestion des transitions religieuses et morales pèse dans les rapports de force.

Reste que ce deuil officiel soulève des questions prospectives cruciales. La disparition du pape François, figure tutélaire des appels à la justice sociale, prive-t-elle Kinshasa d’un allié moral dans son plaidoyer international ? Comment le Vatican post-franciscain positionnera-t-il son engagement en Afrique centrale, région-clé pour l’avenir des Églises du Sud ? Autant d’enjeux où la diplomatie congolaise devra faire preuve d’une agilité romaine.

Dans les prochains jours, l’observation des réactions épiscopales locales offrira un baromètre intéressant. Les évêques congolais, souvent critiques face aux dérives du pouvoir, sauront-ils transformer cet hommage présidentiel en levier pour leurs propres combats ? L’héritage du pape François, entre dénonciation des « structures de péché » et option préférentielle pour les pauvres, pourrait bien devenir un étalon contestataire… y compris contre les tentations autoritaires à Kinshasa.

En associant le peuple congolais à sa « compassion chrétienne », Félix Tshisekedi tisse une communion nationale aux fragiles fils liturgiques. Gageons que la traduction concrète de ces nobles principes dans les politiques publiques – lutte contre la corruption, accès aux services de base – déterminera la pérennité de ce mariage entre le spirituel et le temporel. Comme le rappelait le pape disparu : « La vraie puissance est le service. » Un mantra dont les dirigeants congolais feraient bien de s’imprégner au-delà des seules oraisons funèbres.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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