Dans une économie de Goma paralysée par l’occupation rebelle depuis trois mois, le mobile money s’impose comme une bouée de sauvetage pour la population. Ce système de transfert d’argent électronique, autrefois marginal, connaît une adoption massive face à l’indisponibilité des banques et la pénurie de liquidités. Un phénomène qui redéfinit les transactions économiques dans cette région de la RDC en crise.
Paulin Kibando, entrepreneur local, décrit cette révolution financière improvisée : « Pour les salariés, c’est le seul moyen de retirer leur argent et faire des achats quotidiens. Les opérateurs économiques y trouvent aussi leur compte avec des transactions sécurisées ». Pourtant, cette solution miracle montre rapidement ses limites dans un contexte d’économie de guerre.
Une adoption à double tranchant
Le recours au mobile money à Goma s’accompagne de pratiques financières pour le moins abusives. Les taux de change fluctuent au gré des opérateurs informels, avec des frais de retrait pouvant atteindre 20% du montant transféré. « Lorsqu’on envoie 5 USD via mobile money, le réseau prélève 1 USD. Le bénéficiaire ne reçoit que 4 USD », déplore Kibando. Une situation qui plonge les usagers dans une spirale de précarité financière.
La pénurie de dollars américains dans les guichets avancés aggrave la situation. Les utilisateurs doivent céder un pourcentage supplémentaire de leur argent pour accéder aux liquidités. « Pour retirer 100 USD, on exige une commission sous prétexte de liquidités insuffisantes », témoigne notre source. Ces pratiques transforment ce qui devrait être une solution en véritable casse-tête économique.
Le système bancaire traditionnel à l’arrêt
Face à cette paralysie du système bancaire classique, certaines institutions tentent de réagir. Des banques et microfinances ont ouvert des guichets avancés pour faciliter l’accès aux cartes bancaires électroniques. Mais ces mesures restent insuffisantes à l’échelle d’une ville comme Goma, où l’économie locale tourne au ralenti.
Cette situation révèle les failles d’un système financier sous tension. Les changeurs informels imposent des taux variables, créant une véritable jungle économique. Les usagers subissent une double taxation : frais des opérateurs de mobile money auxquels s’ajoutent les commissions illégales des guichets. Une économie de survie qui profite aux plus malins au détriment de la population.
Quel avenir pour l’économie numérique à Goma ?
Le cas de Goma pose une question cruciale : comment réguler ces pratiques dans un contexte de crise prolongée ? L’explosion du mobile money démontre la résilience des populations, mais aussi leur vulnérabilité face aux dérives d’un système informel. Les autorités locales et les opérateurs économiques devront trouver des solutions durables pour protéger les usagers et stabiliser les échanges monétaires.
Cette situation à Goma reflète les défis plus larges de l’économie congolaise en zone de conflit. Entre innovation financière et exploitation des plus vulnérables, le mobile money devient le miroir des contradictions d’une ville en survie. Un phénomène à suivre de près, alors que d’autres régions de la RDC pourraient connaître des situations similaires.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
