Dans un monde où l’image vaut mille mots, Aubin Mukoni, jeune prodige de la photographie congolaise, a su transcender les frontières du visuel pour toucher les cœurs et les consciences. À seulement 25 ans, ce natif de Goma vient de décrocher le prestigieux World Press Photo 2025 dans la catégorie “Histoires d’Afrique”, avec sa série poignante intitulée “Le lac est devenu silencieux”. Une consécration qui résonne bien au-delà des cercles artistiques, portant haut les couleurs de la culture RDC sur la scène internationale.
“Je ressens une immense gratitude et une profonde fierté”, confie le photographe, dont les mots trahissent une émotion à la mesure de son exploit. “Ce prix est une reconnaissance non seulement de mon travail, mais aussi des histoires que je cherche à raconter à travers mes photographies.” Pour ce jeune talent, l’appareil photo n’est pas qu’un outil de capture, mais une véritable arme de sensibilisation massive. “C’est un moment de validation et d’encouragement pour continuer à utiliser l’art comme un outil de changement”, ajoute-t-il, révélant ainsi la dimension engagée de sa démarche artistique.
La série primée, “Le lac est devenu silencieux”, plonge le spectateur dans les eaux troubles du lac Kivu, à la frontière entre la RDC et le Rwanda. À travers son objectif, Mukoni transforme les tensions géopolitiques et environnementales en une symphonie visuelle bouleversante. Chaque cliché raconte une histoire – celle des pêcheurs dont la survie dépend des caprices du lac, celle des communautés locales prises en étau entre conflits armés et dégradation écologique. “Cette série explore les tensions environnementales autour du lac Kivu”, explique le photographe. “Elle met en lumière la dépendance économique des communautés locales vis-à-vis du lac, tout en soulignant les menaces posées par le changement climatique, la pollution et l’exploitation des ressources naturelles.”
Le jury du World Press Photo n’a pas tari d’éloges devant ce travail qui transcende le simple reportage pour atteindre à la puissance du manifeste artistique. “Ce projet offre un aperçu précieux de l’importance économique et culturelle du lac Kivu dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes”, peut-on lire sur le site officiel du concours. Une reconnaissance qui vient couronner des années d’engagement pour ce jeune homme dont le parcours force l’admiration.
Né en 2000 à Goma, Aubin Mukoni a grandi dans le creuset des conflits qui ont marqué la région des Grands Lacs. Son approche photographique, à la fois esthétique et documentaire, puise dans cette expérience personnelle une authenticité rare. “L’art peut transformer la perception et la réalité d’un peuple”, affirme-t-il, résumant ainsi sa philosophie créative. Collaborateur régulier d’organisations internationales et d’agences de presse renommées, Mukoni a su imposer son regard unique sur les réalités complexes de l’Afrique des Grands Lacs.
Aujourd’hui, avec ce prix prestigieux en poche, le photographe congolais voit plus loin. Son ambition ? Utiliser son art comme levier pour “inspirer la paix, la réconciliation et la résolution des conflits”. Dans une région marquée par des décennies de violence, son objectif devient ainsi un instrument de dialogue et de plaidoyer. “Le lac est devenu silencieux” n’est pas qu’un titre évocateur – c’est un cri d’alarme, une invitation à écouter ce que les eaux du Kivu ont à nous dire sur notre rapport au monde et à l’autre.
Alors que les actualités RDC se font souvent l’écho des tensions dans l’est du pays, le travail d’Aubin Mukoni apporte une lumière différente – celle de l’art engagé, qui ne se contente pas de montrer, mais qui interroge, émeut et, peut-être, transforme. Avec ce World Press Photo, c’est toute une génération de jeunes artistes congolais qui trouve une reconnaissance internationale, prouvant que la culture RDC a plus que jamais son mot à dire dans le grand concert des arts visuels mondiaux.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd