À Mbuji-Mayi, capitale diamantifère du Kasaï-Oriental, un phénomène social alarmant prend de l’ampleur. Des centaines d’enfants, certains à peine âgés de 10 ans, ont troqué leurs cahiers contre des étals de fortune. Le marché central de Bakwandanga offre un spectacle aussi bouleversant qu’éloquent : une génération sacrifiée sur l’autel de la précarité.
« Je vends des beignets depuis 6h du matin. Avec l’argent, je paierai mon minerval à l’école privée », confie Jean*, 12 ans, les mains noircies par l’huile de friture. Comme lui, des dizaines de gamins arpentent les allées du marché, proposant sacs plastiques, œufs ou morceaux de fromage avec une dextérité qui en dit long sur leur expérience précoce du labeur.
Plus inquiétant encore, certains adolescents transforment les artères de la ville en pharmacies ambulantes. « Je connais tous les médicaments contre le paludisme », se vante fièrement Lucie, 14 ans, son plateau chargé de comprimés douteux posé en équilibre sur la tête. Une scène qui interroge sur les dérives d’un système éducatif en berne.
La racine du mal ? La gratuité de l’enseignement public décrétée en RDC qui, paradoxalement, a engendré un effet pervers. « Les classes sont surpeuplées avec parfois 150 élèves pour un seul enseignant », explique François Mukendi, chef de division provinciale de l’Éducation. Résultat : des milliers d’enfants se retrouvent exclus du système et contraints de travailler pour s’offrir le luxe d’étudier dans le privé.
Face à cette hémorragie scolaire, les autorités provinciales ont mis en place un programme de rattrapage. « En trois ans, ces enfants peuvent obtenir leur certificat et réintégrer le circuit classique », précise M. Mukendi. Une solution palliative qui peine à masquer l’ampleur du problème dans cette ville de 3 millions d’habitants, étranglée par son enclavement et le manque criant d’infrastructures.
Derrière ces chiffres se cache une réalité plus cruelle encore : celle de familles entières sombrant dans la survie au jour le jour. « Mes parents n’ont plus les moyens depuis que la mine a réduit ses effectifs », raconte Pierre, 13 ans, dont le père était creuseur artisanal. Une génération sacrifiée sur l’autel des crises économiques à répétition qui frappent le Kasaï-Oriental.
Ce tableau sombre pose une question fondamentale : comment la RDC, pays potentiellement riche de ses ressources minières, en est-elle arrivée à faire des enfants les principaux pourvoyeurs de leurs propres frais scolaires ? À Mbuji-Mayi, capitale du diamant, les pierres précieuses ne brillent décidément pas pour tout le monde.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net