Dans un exposé sans concession livré ce samedi 11 avril au Collège des hautes études de stratégie et de défense (CHESD), le ministre de la Communication et médias, Patrick Muyaya, a dépeint avec une clarté troublante les multiples facettes de la guerre qui déchire l’est de la République démocratique du Congo. Loin des discours convenus, le porte-parole du gouvernement a démonté les mécanismes d’une conflictualité complexe où se mêlent enjeux géostratégiques, économiques et identitaires.
« Vous devez savoir que le Rwanda nous mène une guerre économique pour sa survie », a lancé Muyaya devant un parterre de stratèges, pointant du doigt les véritables motivations de Kigali. Selon son analyse, les prétextes avancés par le Rwanda – présence des FDLR, protection des Tutsi ou non-respect de l’accord du 23 mars – ne seraient que des écrans de fumée masquant une réalité plus crue : l’expansion territoriale, le repeuplement et le pillage systématique des ressources naturelles congolaises.
Face à cette guerre hybride combinant agression militaire, manipulation informationnelle et pression économique, le ministre a esquissé les contours d’une riposte multidimensionnelle. « On communique au 21e siècle », a-t-il martelé, insistant sur la nécessité pour l’État de maîtriser les codes des réseaux sociaux, ces nouveaux champs de bataille où se joue une partie cruciale du conflit. Une attention particulière a été portée sur l’authentification des sources, gage de crédibilité dans un environnement informationnel pollué par les fake news.
Mais au-delà des considérations médiatiques, Muyaya a placé la réhabilitation de l’armée congolaise au cœur de sa démonstration. « Nous devons travailler à améliorer le rapport civilo-militaire… Si nous aimons ce pays, nous devons le protéger », a-t-il déclaré, justifiant la nécessité de doter la RDC d’une force armée conséquente, pouvant compter jusqu’à un million d’hommes. Une proposition ambitieuse qui interroge sur les capacités réelles de l’État à mener à bien une telle réforme structurelle.
L’analyse du ministre a particulièrement brillé lorsqu’il a exposé les dimensions souvent occultées du conflit. La guerre est aussi diplomatique, a-t-il rappelé, dans des arènes internationales où les intérêts géopolitiques priment trop souvent sur le sort des victimes. Elle est judiciaire, avec l’impérieuse nécessité de poursuivre les chefs de guerre devant les instances compétentes. Elle est surtout économique, comme en témoignent les chiffres édifiants sur la production d’or : de 49 kilos en 2022 à près de 10 000 kilos aujourd’hui. Une manne qui explique, selon Muyaya, l’agressivité déployée par le Rwanda pour contrôler ces ressources stratégiques.
En conclusion de son intervention, le ministre a lancé un appel solennel à la mobilisation générale : « Cette guerre, ce n’est pas une guerre contre Tshisekedi, c’est une guerre contre nous tous ». Un message qui résonne comme un électrochoc dans un pays où la conscience nationale peine parfois à transcender les clivages régionaux ou ethniques. Reste à savoir si cette prise de parole, aussi percutante soit-elle, parviendra à infléchir les dynamiques d’un conflit dont la complexité n’a d’égale que la durée.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net