Dans le cœur culturel de Kinshasa, une bataille silencieuse fait rage entre deux institutions majeures du patrimoine artistique congolais. L’Institut national des arts (INA) et le Centre culturel et artistique des pays d’Afrique centrale s’affrontent pour le contrôle d’un Guest House situé dans leur enceinte commune, dans la commune de Kasa-vubu. Ce conflit, qui pourrait sembler anodin, révèle en réalité des tensions profondes sur la gestion du patrimoine culturel en République Démocratique du Congo.
Claver Mboma, chef des travaux et président de la délégation syndicale de l’INA, a levé le voile sur ce différend lors d’un entretien accordé à Radio Okapi. Avec une colère contenue, il dénonce une « occupation illégale » des lieux par les agents du Centre culturel. « Ces infrastructures sont destinées à la formation de la jeunesse congolaise et africaine dans le domaine des arts et de la culture », insiste-t-il, rappelant que ces espaces ont été accordés par le président de la République. Une spoliation qui, selon lui, compromet l’avenir de la formation artistique en RDC.
Les griefs ne s’arrêtent pas là. Mboma accuse également le chargé de mission du Centre culturel, Balufu Bakupa, d’avoir mis le Guest House à disposition du ministère des Affaires étrangères pour y installer des machines de capture de photos destinées aux demandeurs de passeports. Une utilisation qui, selon lui, détourne le lieu de sa vocation première. Plus grave encore, il rapporte qu’un homme en uniforme a été mandaté pour casser la grille du Centre culturel de l’INA, un acte qu’il qualifie de « violent » et « inacceptable », surtout alors que des négociations étaient sur le point de s’engager.
Face à ces accusations, le directeur général par intérim du Centre culturel et artistique oppose un démenti catégorique. Pour lui, le Guest House est un espace partagé, destiné à accueillir des experts et artistes en résidence, dans le cadre de projets culturels ou de renforcement des capacités. « Ce n’est pas un lieu d’habitation, mais une résidence artistique », explique-t-il, soulignant l’importance de ce réseau pour les artistes congolais qui voyagent à l’étranger. Il propose même une gestion collégiale, une solution qui, selon lui, pourrait apaiser les tensions.
Au-delà des querelles administratives, ce conflit pose une question fondamentale : comment préserver et valoriser le patrimoine culturel congolais dans un contexte où les ressources sont limitées et les enjeux politiques souvent prégnants ? Le Guest House, dont le coût de gestion avoisine les 200 000 USD par an, symbolise à lui seul les défis auxquels fait face le secteur culturel en RDC. Entre formation des jeunes artistes et ouverture internationale, la voie semble étroite, mais essentielle pour l’avenir de la culture congolaise.
Alors que les deux camps campent sur leurs positions, la balle est désormais dans le camp des autorités compétentes. Une médiation s’impose pour éviter que ce différend ne nuise à la riche dynamique culturelle de Kinshasa, ville qui se veut pourtant le phare artistique de l’Afrique centrale. Dans l’ombre de cette bataille, c’est toute une génération d’artistes qui attend, impatiente, que l’art triomphe enfin des querelles intestines.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net