Depuis le début de l’année 2025, une crise silencieuse frappe le secteur éducatif dans les provinces du Nord-Kivu 1 et 3. Des centaines d’enseignants des zones de Goma, Nyiragongo, Masisi, Rutshuru et Walikale n’ont plus reçu leur salaire, plongeant de nombreuses familles dans une précarité alarmante. Comment une telle situation peut-elle persister dans une région déjà fragilisée par des années de conflits ?
Dans une lettre adressée le 10 avril à la ministre de l’Éducation nationale Raïssa Malu, les enseignants affectés dénoncent avec amertume le blocage inexplicable de leurs rémunérations par la CARITAS Goma. « Nous avons pourtant respecté toutes les procédures », souligne un enseignant sous couvert d’anonymat, « procurations, autorisations de transfert, décharges… tout a été remis en temps et en forme ». Pourtant, trois mois se sont écoulés sans que la situation ne se débloque.
Le malaise est d’autant plus grand que certains bureaux et inspections de la région auraient été pris en charge par d’autres canaux de paiement, créant ainsi une discrimination inacceptable entre enseignants. « Pourquoi certains sont-ils payés et pas d’autres alors que nous travaillons dans les mêmes conditions difficiles ? », s’interroge une enseignante de Rutshuru.
Cette crise des salaires s’inscrit dans un contexte sécuritaire déjà extrêmement tendu. La présence du M23 dans la région a entraîné la fermeture de nombreuses institutions financières, compliquant davantage les circuits de paiement. En mars dernier, le gouvernement avait pourtant promis des solutions adaptées pour les zones sous occupation rebelle. Des engagements restés lettre morte à ce jour.
Face à cette situation intenable, les enseignants lancent un cri d’alarme à la ministre Malu. Ils réclament une intervention urgente pour faire respecter leurs droits fondamentaux et mettre en place des mécanismes de paiement alternatifs. « Nous avons des familles à nourrir, des enfants à scolariser », rappelle un syndicaliste enseignant. « Comment voulez-vous que nous continuions à travailler dans ces conditions ? »
Cette crise met en lumière les dysfonctionnements chroniques du système éducatif congolais, particulièrement dans les zones en conflit. Alors que la RDC s’était engagée à améliorer les conditions de travail des enseignants, la réalité sur le terrain montre un tout autre visage. Entre promesses non tenues et gestion opaque, la colère gronde dans les salles des professeurs du Nord-Kivu.
La balle est désormais dans le camp des autorités. Réussiront-elles à trouver une solution rapide et équitable avant que cette crise ne dégénère en mouvement de protestation plus large ? Dans une région où l’éducation représente souvent le dernier rempart contre l’obscurantisme, l’avenir de toute une génération pourrait se jouer dans les prochaines semaines.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
