La fraude organisée du cacao congolais vers l’Ouganda prend une tournure inquiétante dans le territoire de Beni, au Nord-Kivu. Selon la société civile de la chefferie de Watalinga, des militaires des Forces armées de la RDC (FARDC) seraient impliqués dans ce trafic illicite, facilitant l’exportation frauduleuse de cette précieuse denrée via le poste frontalier de Nobili, situé à 90 km de Beni.
Odette Zawadi Ngada, présidente de la société civile locale, dénonce une véritable mafia structurée : « Des colis de cacao sont escortés par des militaires en tenue et armés, qui assurent leur passage vers l’Ouganda ». Cette révélation met en lumière les dysfonctionnements persistants dans la gestion des frontières congolaises, particulièrement dans cette région instable du Nord-Kivu.
Le colonel Mak Hazukay, porte-parole du secteur opérationnel Sokola 1 Grand Nord, a réagi promptement à ces accusations : « Aucune autorité militaire ne mandate ses hommes pour du commerce illicite. Si ces faits sont avérés, la justice militaire interviendra ». Cette déclaration souligne la position officielle de l’armée, mais interroge sur son contrôle effectif sur ses troupes dans cette zone frontalière sensible.
Le contexte sécuritaire complexe de la région aggrave la situation. Alors que les rebelles du M23 occupent plusieurs postes frontaliers, Nobili et Kasindi restent parmi les rares points de passage encore sous contrôle gouvernemental. Cette vulnérabilité semble profiter aux réseaux frauduleux, qui exploitent les failles du système pour détourner les ressources congolaises.
L’économie locale en subit les conséquences directes. Le cacao, produit d’exportation potentiellement lucratif pour la RDC, échappe ainsi au circuit formel, privant l’État de précieuses recettes fiscales. Cette hémorragie économique s’ajoute aux défis sécuritaires persistants dans cette région des Grands Lacs.
Les observateurs économiques s’interrogent : jusqu’à quand ces pratiques perdureront-elles ? Entre la porosité des frontières, la collusion présumée de certains militaires et la faiblesse des contrôles, le tableau dressé par la société civile de Watalinga révèle une réalité préoccupante pour la gouvernance économique et sécuritaire du Nord-Kivu.
Cette affaire pose également la question plus large de la traçabilité des matières premières congolaises. Alors que la RDC cherche à valoriser son potentiel agricole, de tels incidents entachent sa réputation sur les marchés internationaux et découragent les investisseurs sérieux.
La balle est désormais dans le camp de la justice militaire, dont la réaction sera scrutée par la société civile et les partenaires économiques de la RDC. L’efficacité de sa réponse pourrait marquer un tournant dans la lutte contre la fraude transfrontalière, ou au contraire confirmer l’impunité dont bénéficient certains réseaux illicites.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net