Le 8 avril 2025, l’ancien président congolais Joseph Kabila a annoncé son intention de rentrer “sans délai” en République Démocratique du Congo, après plus d’un an d’absence. Cette déclaration marque un tournant significatif dans le paysage politique congolais, alors que Kabila justifie son retour par la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays. Dans une lettre consultée par plusieurs médias, il affirme vouloir “contribuer à la recherche de la solution” face à une crise qu’il juge “hors de contrôle”. Cette annonce intervient dans un contexte de tensions accrues, particulièrement dans l’Est du pays, région par laquelle l’ancien chef d’État prévoit de faire son entrée. Retour sur le parcours de Joseph Kabila depuis qu’il a quitté le pouvoir jusqu’à cette annonce qui pourrait rebattre les cartes politiques en RDC.
Une transition de pouvoir historique et un statut privilégié
Joseph Kabila a quitté ses fonctions présidentielles en janvier 2019, au lendemain de la prestation de serment de Félix Tshisekedi, dans ce qui constitue la première transition pacifique du pouvoir dans l’histoire moderne de la RDC. Après 18 ans à la tête du pays, Kabila s’est retiré tout en conservant une influence considérable sur la scène politique congolaise.
Après son départ, il a pris le titre de “président honoraire” et est devenu sénateur à vie, conformément à la Constitution congolaise. Il a conservé sa résidence présidentielle baptisée GLM, dans le quartier de la Gombe à Kinshasa, symbole de son statut privilégié. Plus significativement encore, sa coalition politique, le Front commun pour le Congo (FCC), est sortie majoritaire des élections législatives et provinciales de 2018, ainsi que des élections sénatoriales de 2019. Cette domination institutionnelle lui a permis de maintenir une forme de contrôle indirect sur les institutions congolaises, du moins dans les premiers temps de la présidence Tshisekedi.
Un train de vie opulent et une retraite dorée
Loin de l’agitation de Kinshasa, Joseph Kabila a choisi de s’installer principalement à la ferme de Kingakati, qu’il avait fait construire durant sa présidence. Cette propriété, située au centre du parc de la vallée de Nsele, est devenue son refuge privilégié. L’ancien président y a fait planter pas moins de 10 000 arbres et a importé plus de 1 200 animaux sauvages, dont des éléphants, des lions et des rhinocéros, transformant ce domaine en une véritable attraction touristique aux portes de Kinshasa.
Cette enclave, autosuffisante sur le plan énergétique grâce à des générateurs d’une puissance de 2 mégawatts, témoigne de l’opulence de l’ancien chef d’État. Il y aurait également stationné trois avions de ligne personnels, selon les informations disponibles. Ce train de vie fastueux contraste fortement avec les conditions de vie de la majorité des Congolais, dans un pays où la pauvreté demeure endémique malgré ses immenses ressources naturelles.
Une reconversion académique en Afrique du Sud
Depuis environ un an, Joseph Kabila s’est officiellement installé en Afrique du Sud, pays où il a entrepris des études doctorales en Relations Internationales à l’université de Johannesburg. Ce choix de poursuivre une carrière académique a surpris plus d’un observateur de la vie politique congolaise.
Le 25 janvier 2024, l’ancien président a franchi une étape importante dans son parcours universitaire en faisant valider le sujet de sa thèse doctorale intitulé “Geopolitical Turn: USA-China-Russia rivalry and Implications for Africa” (Le tournant géopolitique: la rivalité États-Unis-Chine-Russie et ses implications pour l’Afrique). C’est au cours d’une séance scientifique contradictoire face à un corps professoral que le sénateur à vie a défendu sa proposition de recherche. Selon les témoins de l’événement, Joseph Kabila a su mettre à profit son expérience politique pour étayer sa présentation sur ce sujet d’actualité internationale.
Cette validation a été comparée par certains universitaires congolais à l’étape de “recevabilité” ou “défense privée” du système académique de la RDC, marquant ainsi la dernière étape avant le travail de recherche proprement dit.
Tensions politiques et rapprochements stratégiques
Malgré son exil volontaire et son silence médiatique durant plusieurs années, Joseph Kabila n’a jamais totalement quitté l’échiquier politique congolais. Les tensions avec le pouvoir en place se sont manifestées de façon plus visible en août 2024, lorsqu’il a dénoncé deux attaques menées contre sa résidence du quartier de la Gombe à Kinshasa. Ces incidents, qu’il attribue à une milice armée proche du pouvoir (la Force du progrès), ont ravivé les tensions avec le régime de Félix Tshisekedi.
Un événement marquant de son parcours post-présidentiel a été sa rencontre avec Moïse Katumbi, son ancien opposant, à Addis-Abeba en Éthiopie. Cette réunion entre deux poids lourds de la politique congolaise, jadis adversaires, a abouti à la publication d’un communiqué commun critiquant le président Tshisekedi, notamment sur sa volonté de réformer la constitution et sur la présence de “mercenaires et troupes étrangères” dans le pays. Ce rapprochement stratégique témoigne d’une reconfiguration du paysage politique congolais et d’alliances nouvelles face au pouvoir en place.
L’annonce d’un retour imminent par l’Est
Le 8 avril 2025, Joseph Kabila a rompu son long silence en annonçant son intention de rentrer “sans délai” en RDC. Dans sa déclaration écrite, l’ancien président justifie cette décision par “la dégradation de la situation sécuritaire à travers [toute la RDC], ainsi que de la déliquescence qui gangrène tous les secteurs de la vie nationale”.
Si Kabila ne donne pas de date précise pour son retour, il précise néanmoins qu’il compte entrer au pays “par la partie orientale”, expliquant ce choix par le fait que “c’est là qu’il y a péril en la demeure”. Un proche de l’ancien président laisse entendre que ce retour pourrait intervenir “dans les prochains jours”.
Avant de prendre cette décision, Joseph Kabila affirme avoir consulté plusieurs dirigeants ou ex-dirigeants de la région, ainsi que des acteurs politiques et sociaux congolais et étrangers. Ce retour annoncé par l’Est du pays, région en proie à des conflits armés depuis des décennies, revêt une forte symbolique politique et sécuritaire.
Un contexte de crise multiforme
L’annonce du retour de Joseph Kabila intervient dans un contexte de crise multidimensionnelle en RDC. Dans ses déclarations, l’ancien président évoque une situation “hors de contrôle”, faisant référence à l’instabilité sécuritaire qui persiste, notamment dans l’Est du pays.
Lors de précédentes sorties médiatiques, Kabila avait déjà souligné que “la solution à la crise actuelle nécessite une approche holistique, avec l’implication de tous les Congolais”. Son retour s’inscrit donc dans cette perspective de participation à la recherche de solutions face aux défis auxquels la RDC est confrontée.
Conclusion : Un retour aux implications incertaines
L’annonce du retour de Joseph Kabila en République Démocratique du Congo marque un tournant potentiellement majeur dans la vie politique du pays. Après plus d’un an d’absence et six années de silence relatif, l’ancien président semble déterminé à retrouver une place de premier plan sur l’échiquier politique national.
Ce retour soulève de nombreuses questions sur ses véritables intentions et sur l’impact qu’il pourrait avoir sur la stabilité politique du pays, à l’approche des prochaines échéances électorales. Le choix de revenir par l’Est, région particulièrement sensible sur le plan sécuritaire, n’est pas anodin et pourrait signaler une stratégie de positionnement face aux défis sécuritaires que traverse le pays.
À l’heure où la RDC fait face à des crises multiples, le retour de cette figure politique majeure, qui a dirigé le pays pendant 18 ans, pourrait soit contribuer à la recherche de solutions consensuelles, soit exacerber les tensions déjà existantes. Les prochaines semaines seront déterminantes pour mesurer l’impact réel de ce come-back sur le paysage politique congolais.