Dans une province du Maï-Ndombe en proie à des tensions intercommunautaires récurrentes, le gouverneur Lebon Nkoso Kevani a choisi de jouer la carte de l’apaisement lors de sa récente tournée dans les territoires de Bolobo et Yumbi. Face aux conflits persistants entre les communautés Teke, Nunu et Tende, l’autorité provinciale a martelé un message clair : « Sans paix, aucun développement n’est possible ». Une déclaration qui sonne comme un aveu implicite de l’échec des politiques précédentes en matière de cohésion sociale.
À Yumbi, le 4 avril dernier, le gouverneur a déployé une rhétorique habile, mêlant exhortations morales et promesses concrètes. « Ce qui fait fuir les investisseurs, c’est l’insécurité », a-t-il lancé devant une assistance visiblement sceptique. Derrière cette formule choc se cache une réalité économique implacable : la province, pourtant riche en potentialités, reste un parent pauvre du développement en RDC, en grande partie à cause de ces divisions intestines.
Mais le discours du gouverneur ne s’est pas arrêté aux généralités. Il a annoncé une mesure concrète : la suppression des barrières illégales, ces points de contrôle informels qui ponctuent les routes de la province et constituent autant de sources de tracasseries pour les populations et les opérateurs économiques. « Nous identifierons toutes les barrières sources de tracasseries pour les démanteler », a-t-il promis, se réclamant des instructions du vice-Premier ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani. Une annonce qui ressemble à un aveu : ces barrières, souvent tenues par des éléments des forces de sécurité, constituent depuis longtemps un système de prédation toléré, voire encouragé.
À Bolobo, théâtre récent d’affrontements meurtriers entre Teke et Nunu, le gouverneur a adopté un ton plus grave. Face aux pertes humaines et aux destructions matérielles, il a appelé à « calmer les esprits » et prôné le dialogue communautaire. Mais derrière ces bonnes intentions affichées, une question demeure : ces appels répétés à la paix ne masquent-ils pas l’incapacité des autorités à traiter les racines profondes de ces conflits, souvent liés à des enjeux fonciers et à la compétition pour les ressources ?
En inscrivant son action dans la continuité de ses engagements pour une administration dépolitisée et une gouvernance axée sur les infrastructures, le gouverneur Nkoso Kevani tente visiblement de se positionner en modernisateur. Mais le défi est de taille : comment construire des routes et des écoles dans une province où les communautés se regardent en chiens de faïence ? La réponse du gouverneur, centrée sur la promotion du vivre-ensemble, semble pour l’heure bien fragile face à la réalité des haines accumulées.
Au-delà des déclarations d’intention, la véritable question qui se pose aux populations du Maï-Ndombe est celle de l’effectivité des promesses. Les annonces de suppression des barrières illégales seront-elles suivies d’effets ? Les mécanismes de dialogue communautaire mis en place résisteront-ils à la prochaine crise ? Dans une province où la mémoire des violences passées reste vive, le gouverneur joue son crédit sur sa capacité à transformer ses mots en actes. L’enjeu dépasse largement le cadre provincial : dans une RDC en quête de stabilité, le Maï-Ndombe pourrait devenir un laboratoire de la cohésion nationale… ou le théâtre de nouveaux déchirements.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
