La scène politique congolaise connaît cette semaine deux développements majeurs qui illustrent la double stratégie du pouvoir en place : consolider son assise interne tout en renforçant sa position sur la scène internationale. D’un côté, la hausse substantielle des soldes des forces de sécurité, une promesse électorale tenue par le président Félix Tshisekedi. De l’autre, la tournée diplomatique européenne du président du Sénat, Jean-Michel Sama Lukonde, visant à mobiliser la communauté internationale contre l’agression rwandaise à l’Est du pays.
La décision de doubler les soldes des militaires et policiers, effective depuis le 28 mars dernier, constitue un coup politique habile du chef de l’État. Comme le souligne le communiqué du directeur de cabinet du ministre des Finances, cette mesure vise explicitement à « motiver nos vaillants militaires dans la défense de l’intégrité nationale ». Le timing n’est pas anodin : alors que les FARDC engagent des opérations décisives contre le M23 dans le Nord-Kivu, cette augmentation salariale pourrait bien changer la donne sur le terrain.
Mais derrière cette générosité soudaine se cache un calcul politique plus complexe. Comme le relève pertinemment la presse kinoise, cette mesure place désormais les forces de sécurité devant leurs responsabilités. « L’opinion voudrait voir leur comportement changé sur le théâtre des opérations », note un éditorialiste, faisant allusion aux multiples défaillances qui ont marqué la réponse sécuritaire ces derniers mois. Le gouvernement joue donc gros : après avoir mis la main au portefeuille, il attend des résultats tangibles sur le terrain.
Sur le front diplomatique, la mission européenne de Sama Lukonde semble avoir porté ses fruits. Le président du Sénat a mené une offensive de charme à Paris et Bruxelles pour obtenir la concrétisation des sanctions contre le Rwanda prévues par la résolution 2773 de l’ONU. Cette « diplomatie parlementaire », comme la qualifient les observateurs, montre la volonté de Kinshasa de multiplier les canaux de pression sur la communauté internationale. Les rencontres de haut niveau organisées dans les capitales européennes témoignent d’une stratégie bien rodée : faire du lobbying intensif auprès des décideurs occidentaux tout en maintenant la pression médiatique sur le dossier congolais.
Reste à savoir si ces deux initiatives parallèles – la carotte financière pour les militaires et le bâton diplomatique contre Kigali – suffiront à inverser la dynamique conflictuelle dans l’Est du pays. Comme souvent en politique congolaise, entre les annonces spectaculaires et leur concrétisation sur le terrain, il y a parfois un fossé que seule l’épreuve du temps permettra de combler. Les prochaines semaines seront cruciales pour juger de l’efficacité réelle de ces mesures.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net