Dans l’arène géopolitique tourmentée de l’Afrique des Grands Lacs, la République démocratique du Congo (RDC) reste prise au piège d’une stratégie d’usure savamment orchestrée par le Rwanda. Le professeur Roger-Claude Liwanga, expert en droit international, décrypte la « tactique du salami » déployée par Paul Kagame pour étendre son influence dans l’Est congolais, tranche par tranche. Une analyse qui révèle les mécanismes d’une guerre hybride, où la force brute s’efface derrière le calcul diplomatique et la manipulation des fractures locales. **La saucisse de Rákosi revisitée par Kigali** Inspirée des méthodes du dirigeant hongrois Mátyás Rákosi, cette approche consiste à grignoter progressivement le territoire et l’autorité de l’État congolais. Soutien aux groupes armés comme le M23, déstabilisation des institutions, exploitation des ressources : chaque action, isolément contestable mais rarement suffisante pour déclencher une réaction internationale majeure, participe à un redécoupage silencieux de la carte régionale. « Kagame évite soigneusement l’invasion frontale qui provoquerait une levée de boucliers », souligne Liwanga. Résultat ? Plus de 10 millions de déplacés dans l’Est et une souveraineté congolaise mise à mal. **Le double jeu diplomatique** Face aux condamnations, le Rwanda maîtrise l’art de la diversion. Niant toute implication directe, Kigali multiplie les forums de paix tout en sapant les initiatives régionales. La récente médiation qatarie, acceptée après le boycott du processus angolais, illustre cette stratégie de fragmentation. « En divisant les médiateurs, Kagame isole Kinshasa et reprend le contrôle du narratif », analyse le professeur. Une tactique payante : le retrait malawite et sud-africain de la force de la SADC a laissé la RDC sans bouclier militaire crédible. **Pourquoi Kinshasa peine à contrer ?** La réponse congolaise souffre d’incohérence chronique. Alternant menaces martiales et appels à l’ONU, le pouvoir de Tshisekedi peine à définir une ligne stratégique. La fragmentation politique interne, exacerbée par le boycott de l’opposition sur la formation du gouvernement d’union nationale, offre un terrain propice aux ingérences. Pire : l’armée congolaise, minée par la corruption, échoue à transformer sa supériorité numérique en victoires durables. **Quelles issues possibles ?** Pour Liwanga, le salut passerait par une refonte complète de la gouvernance sécuritaire et une diplomatie proactive. « La RDC doit anticiper au lieu de réagir, unifier son front interne, et exploiter les divisions au sein de la communauté internationale ». Un défi immense, alors que les minerais de l’Est continuent de financer des conflits qui dépassent les frontières nationales. La question reste ouverte : Kinshasa parviendra-t-il à reprendre l’initiative avant que le dernier morceau de salami ne disparaisse ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd