Le 10 mars restera une date gravée dans la mémoire collective congolaise, mais pas pour de bonnes raisons. Ce jour-là, le monde de la culture en République Démocratique du Congo a été plongé dans un double sombre : celui d’un deuil déchirant et d’un mépris institutionnel consternant. Antoine-Noël Nedule, plus connu sous le nom de Papa Noël, l’une des figures majeures de la rumba congolaise, a été inhumé dans une indifférence qui scandalise. Décédé le 11 novembre 2024 en France à l’âge de 83 ans, il aura fallu un long périple pour rapatrier sa dépouille. Mais malgré son statut de référence dans l’univers artistique, il n’a pas eu droit aux honneurs qu’il méritait pour sa contribution inestimable à la musique congolaise.
Enterré sans faste, à la tombée de la nuit dans l’enceinte de N’Sele-Bambous, la cérémonie s’est déroulée dans une quasi-clandestinité. Aucun représentant des pouvoirs publics n’a daigné faire acte de présence, et la famille, apparemment désunie par des querelles d’argent, a orchestré des funérailles expéditives et discrètes. Pendant que certains artistes vedettes bénéficient de funérailles nationales avec tous les honneurs, pourquoi un monument comme Papa Noël a-t-il été laissé pour compte ?
Papa Noël n’était pas un simple musicien, il était une institution. Né le 25 décembre 1940 à Kinshasa, son parcours est marqué par une légende musicale qu’il partage avec les géants de la rumba congolaise. Que ce soit avec African Jazz, Bantou de Capitale ou encore l’OK Jazz, il a livré des chansons inoubliables comme “Bon Samaritain”, “Madiabuana”, ou “Tangawusi”. La rumba congolaise, cet art emblématique et fédérateur, a vu en lui un ambassadeur inégalé. Et pourtant, ses funérailles ne reflètent pas cette stature.
Les voix s’élèvent contre un système qui semble valoriser les figures éphémères et médiatisées au détriment des véritables icônes culturelles. Pour Jeannot Bombenga Wewando, une autre sommité de la rumba congolaise, ce traitement est une insulte à toute une histoire culturelle que des artistes comme Papa Noël ont laborieusement construite. Ce manquement révèle une vérité amère : la culture congolaise, bien que riche et vibrante, est trop souvent victime d’une cupidité et d’une incompétence institutionnelles qui sapent son éclat.
La République Démocratique du Congo, en tant que nation riche en patrimoine artistique, a le devoir de célébrer ses héros. Les obsèques de Papa Noël auraient dû être une occasion d’unité nationale et de reconnaissance. Mais ce couac est une leçon amère sur l’impératif de revaloriser la culture, de manière sincère et non opportuniste. Sa guitare repose désormais en silence, mais ses mélodies continuent d’enflammer les cœurs. Ce dernier hommage manqué devrait résonner comme un appel urgent : ne plus jamais laisser les icônes authentiques partir dans l’oubli.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd