À Bunia, dans la province de l’Ituri, les scènes de jeunes enfants errant dans les rues reflètent un effrayant désenchantement. Issues de familles brisées ou déplacées par le conflit armé, des dizaines d’enfants, souvent des adolescentes, sont contraints de naviguer entre mendicité et survie, privés de leurs droits les plus fondamentaux tels que l’éducation ou une vie décente. Leur quotidien ? Passer la nuit devant les boutiques et demeures du centre-ville, portant sur eux le poids d’une existence précaire et dangereusement exposée.
Les nombreux défis auxquels ces enfants sont confrontés incluent les violences sexuelles et les risques d’accidents. Parmi eux, des jeunes comme Belange Mave, 14 ans, qui a vu son parcours scolaire s’interrompre en 4e primaire. Elle se confie avec une maturité attristante : « C’est la vie qui m’a amené ici. On m’avait inscrit à l’école, mais on n’a pas pu avoir l’argent pour me payer les études. Je pars en ville pour quémander. Le peu que je trouve, j’amène chez moi et on mange. Souvent nous ramassons des bouteilles et on nous donne 2000, 3000 ou bien 5000 francs. » Visages innocents, responsabilités d’adultes, ils portent un fardeau trop lourd pour leur jeune âge.
Certains d’entre eux s’associent à d’autres jeunes dans un semblant de fratrie, formant de petits groupes de cinq à dix personnes, visibles parfois au stade de l’École primaire officielle. Le matin, ils se réveillent avec des bouteilles en plastique contenant des substances toxiques qu’ils reniflent pour endormir la dure réalité. La guerre, la pauvreté et le rejet familial créent une spirale sans fin, enfermant ces enfants dans des conditions drastiques.
Face à la gravité de ce phénomène, des initiatives locales, bien qu’encore fragiles, tentent de redonner espoir et dignité à cette jeunesse vulnérable. Le Bureau provincial des inspecteurs des droits de l’homme multiplie les efforts pour sensibiliser ces enfants, notamment sur leurs droits et les moyens de dénoncer les abus. Safi Neema, membre de l’organisation, a particulièrement noté la vulnérabilité des jeunes filles : « La majorité des cas de violences sont faites aux filles. Nous avons pris cette journée pour les sensibiliser. Qu’ils comprennent leurs droits et sachent où dénoncer en cas de violation. »
Par ailleurs, certains jeunes tentent de sortir de ce tourbillon en se formant à des métiers tels que la mécanique ou en participant à des travaux communautaires comme le ramassage des déchets plastiques ou la plantation de pelouses dans les rues de Bunia. Bien que cela reste insuffisant face à l’ampleur des besoins, ces mesures offrent un mince espoir de réinsertion pour une jeunesse laissée pour compte.
La situation alarmante dans les rues de Bunia met en lumière les lacunes d’un système incapable de protéger ces enfants dont l’avenir semble compromis. À l’heure où la République démocratique du Congo se reconstruit, la place et le sort de cette jeunesse doivent être érigés en priorité nationale. Quels efforts supplémentaires pouvons-nous fournir pour briser ce cycle et offrir un futur éclairé à ces enfants perdus ? Une question qui résonne comme une urgence pour le pays tout entier.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net