Les visages fatigués, les regards empreints de douleur et de résilience. Une dizaine de femmes déplacées, fuyant les violences qui ravagent l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), se sont réfugiées dans la commune de N’Sele à Kinshasa. Leur arrivée reflète une quête de paix, mais c’est une autre réalité qui les attend : la précarité et les défis de la survie dans un milieu urbain qu’elles ne maîtrisent pas.
Depuis des semaines, les combats entre les Forces armées congolaises (FARDC) et différents groupes armés dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ont contraint des milliers de Congolais à abandonner leurs foyers. Parmi eux, de nombreuses femmes, souvent seules avec leurs enfants, ont tout perdu : leur maison, leur sécurité, et pour certaines, leur dignité. À Kinshasa, elles espéraient trouver le calme, mais se heurtent à des obstacles insurmontables.
Pour Bénédicte Mafisi, 32 ans, originaire de Beni, le cauchemar semble se prolonger. “J’ai perdu mon mari lors des attaques, et j’ai fui avec mes quatre enfants. Nous avons erré pendant des jours avant d’arriver ici. Kinshasa semblait être un havre de paix, mais la réalité est tout autre. Trouver un logement et de quoi manger reste un défi quotidien”, a-t-elle confié.
Ces femmes, venues de contrées déchirées par les conflits, doivent lutter pour reconstruire leur vie. Si certaines initiatives, comme les ateliers de formation professionnelle, tentent de leur offrir un nouvel espoir, les moyens restent limités. Geneviève Mbakana, une femme ayant fui les violences de Goma, partage son expérience : “Je n’avais rien à part mes mains et ma volonté. Aujourd’hui, grâce à une association, j’apprends la couture et la fabrication de produits de nettoyage. Je peux vendre mes créations, mais c’est encore difficile.”
Cependant, l’accès à des financements pour démarrer des activités génératrices de revenus reste une barrière importante. “Au départ, l’association nous a soutenues financièrement, mais la résurgence des violences à l’Est a redirigé les aides vers là-bas. Nous nous débrouillons avec ce que nous avons”, ajoute-t-elle avec résilience.
Mais la précarité ne se limite pas à l’économie. Christine, 28 ans, a vécu une agression dès son arrivée à Kinshasa. “J’ai signalé l’incident, mais il n’y a eu aucune suite. Parfois, je pense que je serais peut-être mieux à l’Est, même en plein conflit. Ici, je me sens invisible et ignorée.”
Cette invisibilité est d’autant plus marquante pour Rachel Ngoy, 45 ans, qui s’indigne du manque de mesures de soutien du gouvernement congolais. “Nous sommes venues ici chercher la paix, mais notre situation reste la même. On nous demande de patienter, mais à quel prix ?” Elle souligne également l’urgence d’un accompagnement psycho-social : “Nous avons besoin de soins pour soigner nos cicatrices invisibles, nos traumatismes. Certaines ont subi des violences sexuelles inimaginables, et ces blessures nous hantent.”
Au-delà des besoins immédiats que sont la sécurité, l’accès aux soins et la scolarisation des enfants, ces femmes appellent à des solutions durables. Julia, 38 ans, qui a fui Bukavu, le résume parfaitement : “Nous ne voulons pas vivre dans la précarité toute notre vie. Nous avons des rêves, mais sans soutien ni opportunités, c’est difficile d’y parvenir.”
Le sort des déplacés internes dans la capitale soulève des questions urgentes : quelles mesures concrètes la RDC peut-elle prendre pour garantir à ces femmes une vie décente et un avenir sécurisant ? Tant que la guerre persiste dans l’Est, ces témoignages continueront de hanter une nation en quête de paix.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd