Kinshasa, la perle chaotique du Congo, vit des heures mouvementées. Vingt-quatre heures après les vives manifestations qui ont secoué la capitale congolaise suite à l’occupation de la ville de Goma par l’armée rwandaise et les rebelles du M23, la tension reste palpable. Dans les rues du centre-ville, là où converge habituellement une activité commerciale intense, un calme précaire s’est installé.
Au “Grand marché Zando”, symbole du quotidien laborieux des Kinois, les échoppes susurrent à demi-mot cette peur qui habite encore les cœurs. Seules quelques audacieuses étals ont osé braver cette atmosphère lourde. “Les magasins sont fermés, il n’y a pas d’activités aujourd’hui”, souffle un ouvrier devant un commerce barricadé sur l’avenue Tabuley, dans la commune huppée de Gombe. La prudence dicte la fermeture. Les rumeurs de nouvelles protestations circulent, augmentant la fébrilité ambiante.
Cette fébrilité, elle résonne également au croisement des avenues Bokassa et Commerce, où des groupes d’individus scrutent l’horizon, sous la vigilante vigie d’un groupe de policiers. “Certains parmi nous ont profité des événements d’hier pour piller”, confie un jeune homme. La manifestation initialement pacifique a viré à une spirale de violence. On déplore des résidences privées attaquées, des ambassades saccagées, et des commerces pillés. “Cela affecte directement notre économie”, ajoute un vendeur de fournitures scolaires. Goma est peut-être loin géographiquement, mais la douleur semble s’être érigée en pont pour relier les deux rives – la solidarité manifestée avec la population de Goma s’accompagnant de dérives opportunistes.
Dans ce tumulte, des voix s’élèvent pour décrire la précarité. Une jeune commerçante, adaptant ses ventes à la conjoncture incertaine, témoigne d’un “besoin de prudence”. À l’extérieur du marché, des vendeurs fragmentent leurs activités, s’adaptant, mais toujours sur le qui-vive : “Si nous remarquons le moindre mouvement suspect, nous protégeons rapidement notre marchandise”, avoue une commerçante de rue. Cette approche illustre la résilience d’un peuple qui, face à l’incertitude, refuse de céder complètement place à la peur.
Au-delà des vives inquiétudes sécuritaires, c’est l’ombre d’une plus grande fracture socio-économique qui plane sur Kinshasa. Les manifestations, initiées pour dénoncer l’inaction face à la situation de Goma, mettent en lumière une autre réalité : une vie quotidienne liée indéfectiblement à un ordre économique fragile. “Si nous ne travaillons pas, nous ne mangeons pas”, résume avec amertume un homme dans une boutique voisine. Cette vérité transcende les événements et souligne la précarité d’une majorité d’habitants vivant de petites activités journalières.
Alors que la police poursuit encore ce matin l’éparpillement des rares manifestants résiduels à Kinshasa, beaucoup espèrent un apaisement. Car ce n’est pas seulement l’issue de ce tumulte qui importe, mais la possibilité pour le Congolais de reconstruire une paix qui permettrait à la fois résilience et survie, face aux aléas politiques extérieurs comme aux défis économiques internes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd