Chaque jour, l’Est de la République Démocratique du Congo continue de rugir sous les assauts de la violence. Une guerre qui piétine des vies, arrache des rêves et plonge des milliers de familles dans la détresse. Gabrielle, 20 ans, fait partie de cet exode silencieux de jeunes déplacés, témoins et victimes des horreurs d’un conflit interminable. Aujourd’hui réfugiée à Kinshasa, cette jeune femme n’aspire qu’à reconstruire sa vie, malgré un passé chargé d’épreuves déchirantes.
Originaire de Beni, une zone perpétuellement secouée par les affrontements, Gabrielle a vu son existence bouleversée en un clin d’œil. À 16 ans, elle perd ses deux parents dans une attaque sanglante. « Nous vivions dans une peur constante. J’ai vu mon père mourir sous mes yeux. Quelques jours plus tard, ma mère a été victime des mêmes violences, » raconte-t-elle, encore hantée par les souvenirs d’une enfance brisée. Contraints de fuir, elle et ses frères s’engagent dans un périple éprouvant à travers des forêts, échappant de justesse aux milices armées. Mais le destin s’acharne : Gabrielle perd la trace de ses frères en route et finit seule, à Kinshasa, dans un centre d’hébergement pour réfugiés. « Je suis arrivée ici avec un sac à dos. Rien d’autre, » confie-t-elle, la voix empreinte de nostalgie et de souffrance.
À Kinshasa, loin des tirs et des explosions, une nouvelle guerre commence : celle de l’intégration. « La ville est étrangère, les gens ne nous comprennent pas. Il y a un sentiment d’être invisible, comme si nos douleurs n’avaient pas de poids ici, » explique-t-elle. Gabrielle, comme tant d’autres enfants déplacés, vit dans une précarité constante, confrontée à des troubles psychologiques profonds et ignorés. « Chaque nuit, je refais les cauchemars de cette attaque. Les visages des hommes armés me hantent. »
Les centres d’accueil de la capitale peinent à fournir une sécurité émotionnelle et physique adéquate. Les cicatrices invisibles viennent s’ajouter à une éducation morcelée, un combat déjà monumental dans des conditions précaires. Gabrielle, privée de scolarité pendant deux ans, tente aujourd’hui de rattraper le temps perdu dans une école de fortune. « L’école, c’est mon échappatoire, mais les cours sont souvent interrompus à cause des crises. » Son ambition de devenir médecin, pourtant persistante, se heurte au manque de moyens et à une instabilité durable. Pourtant, elle refuse de céder au désespoir et lance un appel vibrant aux autorités nationales et internationales : « Les enfants déplacés ont des rêves, mais ils sont tués par la guerre et le silence collectif. Nous avons besoin d’une véritable protection. »
Ce récit illustre à quel point la crise sécuritaire en RDC dépasse les statistiques. Elle déchire le tissu social et détruit lentement mais sûrement l’avenir de sa jeunesse. Gabrielle incarne l’espoir fragile d’une génération qui aspire à une vie différente. Une vie où la paix, l’éducation et la dignité redeviendraient des droits, et non plus des luxes. Répondra-t-on enfin à leurs appels, ou continueront-ils de se perdre dans le tumulte de l’actualité ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd