Depuis la réouverture de l’AfricaMuseum il y a six ans, la question de son rôle et de sa structure suscite des débats animés, tant chez les activistes que parmi ses employés. Nadia Nsayi, politologue et auteure notable des livres « Fille de la décolonisation » et « Congolina », interpelle sur les défis de cette institution historique. Et si l’AfricaMuseum n’était pas à la hauteur des attentes de ceux qui espèrent une véritable décolonisation ?
Recrutée en 2021, Nadia Nsayi souhaitait contribuer à bâtir un musée plus inclusif et équitable. Cependant, cette vision semble de plus en plus difficile à concrétiser. Elle critique une gestion qu’elle qualifie de dépassée, concentrée autour d’un leadership unipersonnel qui, selon elle, peine à répondre aux ambitions d’innovation et à inclure efficacement la communauté africaine dans les processus décisionnels. Entre un directeur accusé de centraliser le pouvoir et un manque de diversité au sein des postes de pouvoir, le malaise est palpable.
L’un des premiers points soulevés concerne le manque de mise à jour des expositions permanentes et l’échec des expositions temporaires à attirer de nouveaux publics. Le musée, pourtant rénové récemment, peine à trouver un souffle nouveau pour renouveler son audience et moderniser son image. Plus inquiétant encore, la vision stratégique introduite fin 2024 aurait été élaborée dans la précipitation, sans véritable participation, et arbore une approche trop générale sur l’Afrique subsaharienne, oubliant parfois les problématiques spécifiques à la RDC, dont la collection constitue pourtant une large partie.
Les revendications de Nsayi vont au-delà d’une simple critique du leadership. Elle questionne aussi les racines mêmes de la mission du musée : pourquoi maintenir un musée « sur l’Afrique » quand son histoire est inextricablement liée au colonialisme belge en Afrique – en particulier au Congo, au Rwanda et au Burundi ? Pour elle, l’approche actuelle ne fait qu’entretenir un paternalisme latent, et des comportements toxiques persistent sans qu’il n’y ait de réels efforts pour instaurer une culture de débat et d’évaluation constructive.
Envisageant de quitter son poste en 2025, Nadia Nsayi considère le musée en tant qu’entité comme étant à la croisée des chemins. Elle propose une refonte radicale de sa vision, pour transformer l’institution en un lieu unique où le passé colonial belge serait étudié et transmis dans toute sa complexité. Un tel projet, selon elle, pourrait devenir une pierre angulaire pour sensibiliser le public aux impacts contemporains du colonialisme sur des enjeux tels que le racisme, la migration et même le changement climatique.
Si elle hésite à franchir le pas vers un départ, c’est parce que, malgré les difficultés, elle a contribué à organiser des événements qui ont renforcé l’inclusivité du musée. Mais cette retenue traduit aussi un sentiment d’amertume : pourquoi partir alors qu’elle a œuvré pour des changements tangibles ?
Dans cette tribune, traduite d’un texte publié dans le journal De Morgen, elle appelle à un véritable débat collectif. Ce n’est pas seulement un plaidoyer pour le changement, mais un appel à une responsabilité partagée tant chez les dirigeants que dans la société pour que l’AfricaMuseum devienne un véritable moteur de transformation sociale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd